Ce graffiti, trouvé lors d’une fouille sur une amphore de 2008 à Horbourg-Wihr, (Haut-Rhin), dans le comblement d’un puit, représente vraisemblablement un casque de Secutor. On retrouve sur cette représentation les caractéristiques technologiques du casque de Secutor (celui qui poursuit) :
Ø Un casque qui épouse la forme de la tête.
Ø Un masque qui s’ouvre soit par le dessus soit en deux parties.
Ø Une crête arrondie et fine dite suspensive.
Le Secutor est l‘armatura anti-rétiaire par excellence, il est équipé en plus du dit casque, d’un grand bouclier « scutum » à la main gauche, d’un protège-tibia sur la jambe gauche et d’un glaive court à la main droite.
Comme on peut le voir ci-dessous, sur un autre exemple de graffiti, le modèle de casque du secutor est toujours représenté de la même façon. Ces représentations mettent bien en avant la crête arrondie, la forme proche de la tête et le masque.
A droite du casque sur l’amphore de Horbourg-Wihr, on peut lire MV. Cette insription confirme bien que l’on est en présence d’un contre-rétiaire. En effet , le secutor est aussi appelé Murmillon (MV). La terminologie Murmillon est utilisée sur plusieurs siècles pour désigner les gladiateurs portant les grands boucliers. Cette appellation viendrait de murus, le rempart, car le gladiateur est derrière son grand bouclier comme derrière un rempart, non seulement pour la protection mais aussi pour l’attaque. Au fil des siècles, avec la multiplication des combats et des types « d’armaturae », les noms de gladiateurs se sont spécialisés afin de répondre à des réalités techniques et cela, pour une meilleure compréhension du public toujours plus nombreux et varié.
Comme on peut le voir, en comparant le casque de secutor (ci-dessus) du musée de Naples, découvert dans la caserne des gladiateurs de Pompéi et les différents graffiti, le casque du secutor possède une forme très précise extrèmement technique et complètement induite par son opposition au rétiaire.
Le rétiaire est le gladiateur le plus fascinant, facile à identifier dans l’iconographie avec son trident et son filet, il combat pratiquement sans protections face à des adversaires très équipés. Son armement est composé du filet (rete, retis), d’un trident (tridens, tridentis), et d’un poignard (pugio, pugonis ). La tactique du rétiaire semble, à première vue, évidente : capturer son adversaire dans le filet et le frapper avec son trident pour éventuellement conclure avec le poignard et remporter l’assaut.
Le secutor, afin d’éviter ces coups, va chercher à entrer dans la distance de garde du rétiaire, et ceci d’autant plus vite que le trident n’est pas si long et qu’à quelques centimètres de lui, le rétiaire est nu, sans armure, à la merci d’une attaque fulgurante. Ainsi, pour éviter d’être frappé violemment avec le trident et, attiré par cette proie très proche, le secutor va-t-il avancer dans la garde du rétiaire qui, à son tour, va se mettre à courir, d’abord doucement pour rester à distance, puis un peu plus vite afin d’attirer le secutor dans une chasse frénétique et violente.
De son côté, le secutor sait que le rétiaire lui tend ce piège mais il n’a pas le choix, car équipé d’une arme plus courte que le trident, sa seule chance de toucher le rétiaire est de casser la distance de garde: il doit poursuivre le rétiaire. Toute la subtilité de l’art du secutor se trouve dans ces assauts qui n’ont qu’un seul objectif : ne pas devenir la proie. Les attaques du secutor doivent être fulgurantes, hyper rapides et très violentes mais toujours contrôlées. Afin de pouvoir réagir vite et utiliser le bouclier en parade ou en attaque, le secutor doit prendre les bonnes informations sur les intentions du rétiaire et faire croire qu’il est tombé dans le piège tendu. Tantôt bouclier le long du corps, tantôt bouclier hyper tendu vers l’adversaire, le secutor alterne les positions afin de perturber le rétiaire pendant la phase initiale du combat. En effet, si le rétiaire ne parvient pas à calibrer la distance qui le sépare du secutor, et si les informations qu’il capte avec son trident sont trop nombreuses et contradictoires, alors il ne pourra plus mettre en place sa tactique. C’est dans ce contexte précis que le secutor pourra, lui, comme un fauve chassant à l’affût, bondir de derrière son bouclier et espérer, en une attaque courte mais très intense, rattrapper sa proie et la soumettre.
Le secutor est issu de la lignée des gladiateurs à grand bouclier : afin d’arriver à ce stade de technicité, il est passé par plusieurs étapes d’apprentissage, guidé par son doctor. En provocator ( celui qui provoque, qui débute) il a appris les bases de l’utilisation d’un bouclier. Elever verticalement le bouclier, frapper dans toutes les directions, créer des ouvertures et des couloirs de pénétration dans la garde de l’adversaire. Il a aussi appris à frapper vite et bien avec son arme et à revenir immédiatement en garde.
En Murmillon, en face du Thrace, il complète sa formation, apprend la patience et la fulgurance contrôlée des attaques d’un chasseur à l’affût. En Murmillon-contre-hoplomaque, il s’initie à la course et au jeu subtil d’un bouclier sans cesse en mouvement perturbateur, détenu par un adversaire avantagé par une arme longue. Enfin, dans la dernière phase, et pour lutter contre le véloce rétiaire, il va apprendre à gérer ses efforts et à combiner l’ensemble des compétences développées, apprises et mises à l’épreuve pendant son long cursus. Aucun de ces mouvements ne devra être guidé par le hasard, la peur ou l’instinct. Le secutor emploie toute son expérience et sa technicité pour donner le plus possible au rétiaire, son adversaire, de fausses informations quant à ses intentions, sans se laisser entraîner dans les pièges tendus. Son casque, très bien représenté sur le graffiti de Horbourg-Wihr, est la digne représentation de toute cette technicité. Au plus près de la tête et n’arborant aucune collerette qui entraverait les mouvements du bouclier, il a un faible encombrement et donne des possibilités importantes de jonction avec le scutum. La crête arrondie et fine offre le minimum de résistance au filet du rétiaire qui glisse sur elle très facilement. Même le trident ne peut exprimer toute sa puissance face aux caractéristiques bien particulières de ce casque (voir photos ci-dessous).
Cette amphore montre une cohérence parfaite avec les autres documents archéologiques confirmant, une fois de plus, les constantes techniques et technologiques de la gladiature dans l’espace et le temps.